Juste un peu de silence.
Le silence.
Le silence des médecins. Quand ils ne savent plus comment aider, quand ils ne savent plus comment nous parler. Quand l’empathie se fait rare, quand les sentiments ne peuvent s’exprimer dans une relation patient-médecin.
Le silence des proches. Quand la douleur prend trop de place et fait peur, quand les sentiments s’expriment trop fort et se cognent contre les cœurs, contre les murs, contre l’incompréhension.
Le silence des malades. Quand il faut être fort et quand on ne veut plus, peut plus, être une victime. Quand on veut baisser les bras. Quand on ne sait plus ce que l’on veut, quand on se perd entre l’espoir et l’abandon, quand on cherche des réponses et que seul nous répond… le silence.
Le silence avant le diagnostic.
Et soudain un bruit. Le bruit infernal de l’appareil d’irm. Le bruit des pensées qui se bousculent. Et si c’était ça ? Et si ce n’était pas ça ? Oui mais ce serait quoi alors ? Et si c’est ça, qu’est ce qu’on fait ensuite ? Si ce n’est pas ça, j’arrête. Tant pis. Si c’est ça j’arrête aussi en fait, je veux souffler. Faire une pause. Non, je ne peux pas souffler si près du but. Silence.
Le silence après l’examen.
Le silence dans la salle d’attente.
Le silence en écoutant le debrief de l’interne.
Le silence après le diagnostic.
Le silence du corps. Car à chaque fois, à chaque seconde où je suis proche de tout envoyer en l’air, où je suis à deux doigts d’exploser, à chaque fois que je sens mon cœur se déchirer, à chaque fois que je sens mon esprit lâcher, à chacun de ces moments, mon corps se tait. Chaque particule de douleur s’éteint. Chaque cellule qui passe son temps à saigner s’assèche. Le calme revient. La tranquillité s’installe. Comme si mon corps savait que j’étais sur un fil, que j’étais proche de la chute, que je me tenais trop près du rebord de la falaise. Comme s’il me tendait la main pour que je fasse un pas en arrière. Comme s’il ouvrait les bras pour que je me réfugie dans le silence tranquille et serein du matin. Le silence aux premières lueurs. Le silence qui apaise, le silence qui nous entoure quand on ne sait pas encore dans quelle journée nous allons basculer.
Le silence ressourçant, juste avant le silence insupportable de ceux qui ne savent plus comment rallumer la vie.
Juste avant le silence maladroit et intime de ceux qui souffrent dans notre ombre.
Juste avant le silence de la nuit. Quand on ferme les yeux et qu’un léger sourire apparaît enfin. Encore une journée de gagnée. Encore une journée où l’espoir ne s’est pas totalement envolé.
Encore une journée où ce corps qui ne porte pas ta vie continue de porter la mienne, fragile, du mieux qu’il peut.