Développement personnel

Lorsque la vie vous force à lâcher prise

C’est drôle, la vie.
C’est drôle, de regarder en arrière, de voir que le dernier article ici date de mai 2020, et que ce jour là, nous étions à quelques pas du plus gros chamboulement de notre vie.
Il y a an, je rédigeais mon dernier article sans savoir que quelques jours plus tard, oh à peine 5 ou 6 selon les estimations, notre petite étoile allait venir se nicher au creux de moi.

C’est drôle, la vie.
C’est drôle, de pleurer tout ce qu’il est possible de pleurer à l’annonce d’une grossesse d’une personne proche. De se réveiller le lendemain matin, et de n’avoir en tête qu’une seule chose. Une seule phrase, qui se répète en boucle et qui stoppe toute autre pensée. Mon cerveau qui me hurle « C’est aujourd’hui, c’est ce matin, tu DOIS faire un test là maintenant tout de suite ». Je savais, sans savoir.
Ce jour là, en tenant cette barre dans mes mains, j’ai su que tu existais. Que tu allais grandir. Que tu allais t’accrocher.
J’ai eu peur mille fois, j’ai imaginé le pire tous les jours mais je savais, au plus profond de moi, que tu allais tenir. Tu l’as fait.

C’est drôle, la vie.
C’est drôle, de se pencher sur tes débuts, et de savoir ce qu’il se passe aujourd’hui. J’ai toujours eu ce pressentiment que quelque chose allait mal tourner. Que quelque chose nous surprendrait. J’ai imaginé des scènes, des scénarios, j’ai émis des doutes à voix haute. J’ai eu peur. Si souvent peur.
Jusqu’au jour où je ne t’ai plus senti. Ce vendredi le plus long de ma vie, ce vendredi où j’ai tout fait pour sentir un signe de ta part. Ce vendredi où mon cerveau, encore une fois, a réussi à m’envoyer les bonnes informations. Comme ce matin de juin où tout me disait qu’il fallait faire un test, pour découvrir ton existence. Comme ce matin de décembre, où en me levant je me suis sentie vide. Plus enceinte. Une rupture entre toi et moi.
Ce sentiment a grandi, grandi, grandi jusqu’à prendre toute la place. Il nous a poussés aux urgences. Une heure plus tard, il n’y avait plus de doute.

Il y avait seulement des médecins, des sages femmes, partout, qui s’activaient, te surveillaient, me questionnaient, cherchaient à comprendre. Que faisais-tu ? Pourquoi, du jour au lendemain, ta vie était devenue si fragile ? Il n’y a plus eu de place pour le doute. Le temps des questions était passé, il fallait te sortir de là, matérialiser cette rupture entre toi et moi.

Code orange.
Trente minutes pour que tu naisses. Le décompte était lancé.
Et moi… Et moi j’étais devenue spectatrice. Embarquée dans une histoire que je ne comprenais pas. Pas affolée, pas stressée, pas paniquée. Vide. Vide comme depuis ce matin, vide depuis que je savais que tu n’allais pas bien, déjà vide de toi. J’ai répondu machinalement aux questions qui m’étaient posées. J’ai fait le dos rond quand on me l’a demandé, j’ai senti mes jambes s’endormir, j’ai senti les piqûres à droite, à gauche. J’ai entendu les anesthésistes, j’ai vu les pédiatres qui attendaient là, alignés, prêts à passer à l’action. J’ai vu le drap bleu devant moi. J’ai vu les yeux bleus de ton père. J’ai attendu. J’ai attendu un cri, une information, j’ai attendu de te voir. J’ai eu le vide. Le silence. Et j’étais juste impuissante, allongée, anesthésiée, muette. Je n’étais pas ta mère à ce moment là, j’étais devenue cette femme étendue, réellement vide, réellement meurtrie, réellement apeurée, réellement tremblante.

Ton père t’a suivi, et je me suis dit que s’il te suivait, c’est qu’il y avait de l’espoir. J’ai attendu, encore et encore. J’entends l’anesthésiste partir prendre de tes nouvelles. J’entends les médecins me dire qu’ils commencent à recoudre. Je m’en fiche, on pourrait me laisser ouverte que ça ne changerait rien pour moi. Mon bébé n’était plus là et cela n’avait aucun sens.
On ne naît pas à 30 semaines. On ne naît pas si petit. On ne naît pas comme ça.
J’entends l’anesthésiste revenir, me dire que tu as dû être réanimée, mais que tu es repartie au bout de quelques secondes. Tu respires. Tu respires ? Comment est-ce possible, tu es censée être dans mon ventre. Te voilà, si petite, si fragile, à devoir apprendre à vivre.

Je suis désolée que ton arrivée dans ce monde ait été si chaotique. Je rêvais pour toi d’un atterrissage en douceur. J’imaginais ta naissance paisible, ton premier câlin pour te souhaiter la bienvenue, la découverte de ton visage, nos premiers échanges de regard.
Je suis désolée que tu aies été privée de tout ça. Je suis désolée de ne pas avoir pu t’offrir la sécurité, la douceur et l’amour que tu méritais.
Je suis désolée que tu sois née dans la peur, dans l’incompréhension. Je suis désolée que notre lien ait été coupé si vite.

J’espère que tu me pardonneras, plus vite que je ne me pardonnerai.

C’est pas drôle, la vie.

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